Il était une fois un homme qui cherchait désespérement à regarder l'ailleurs. Sa quête lui pris le temps d'une vie. 

Chaque soir il fermait précieusement ses yeux dans un soupir d'espoir. A travers ses songes il réalisait des histoires fabuleuses, mais cet « ailleurs » n'était qu'éphémère et sa mélancolie réapparaissait à l'instant où ses pupilles reflétaient de nouveau le jour.
Alors il prit ses réalités avec lui; ses goûts, ses odeurs, ses sensations de chaleur; et les déposa soigneusement sous la terre, près d'un arbre aux racines resplendissantes, à la manière d'un enfant qui enterrait ses premiers jouets. Ses plus beaux souvenirs et ses émotions les plus sincères, il les grava sous l'écorce de cette splendeur majestueuse. Puis il s'assit. Il attendit. Le soleil caressa le tronc de ses rayons pour redescendre sur le visage de l'homme. Il fût alors ébloui d'un bonheur immense.
Puis ses pieds commencèrent à s'immobiliser entre la terre et le ciel. L'homme ne voulait plus bouger.
Il resta là pendant plus d'un siècle, sa peau devenant bois. Il grandi sans même s'en rendre compte en gardant ce qu'il avait de plus précieux avec lui. Ses racines poussaient depuis ses plaisirs, toujours en leur donnant plus d'ampleur.
Dans son dernier souffle il esquissa un regard de satisfaction, comme ces rictus qui vous trahissent aux bords des lèvres. Sa pupille s'éclaircie et il déclara dans un murmure: « J'y suis ».

 
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